RÊVES

« Le rêve, parce qu’il permet à tous nos désirs y compris les plus troubles de s’exprimer, est la voie royale menant à l’inconscient, et il est indispensable à notre vie, encore plus que le sommeil profond. Il est plus essentiel pour l’être humain de dormir pour rêver que de dormir pour se reposer. »

Je ne connais que peu d’êtres humains qui ne peuvent se soustraire à la nuit, fût-ce-t-elle trouble. C’est pourquoi je souhaite réfléchir un moment avec vous sur lA complexité du sommeil, et tout particulièrement du rêve. Selon ce que j’ai pu lire de plus académique, le rêve est « la satisfaction hallucinatoire et plus ou moins voilée d’un désir le plus souvent refoulé, sa fonction est d’être comme le nomme Sigmund Freud (1), un gardien du sommeil ». J’aime à ajouter qu’il est également une construction en veille de l’imagination, telle une production fantaisiste de l’esprit tendant à se soustraire aux contraintes du réel ; désir ; refoulement ; réel ; imagination ; autant de notions complexes qui se baladent dans nos cerveaux assoupis.

Le désir est de nature ambiguë, il est la recherche d’un objet que l’on imagine ou que l’on sait être source de satisfaction. Il est souffrance quand il n’est pas assouvi, et il est satisfaction quand il est atteint. Malgré tout, le désir semble refuser sa satisfaction, puisque, à peine assouvi, il s’empresse de renaître. On dirait que le désir veut et ne veut pas être satisfait. Alors ce désir, peut-être l’origine de refoulements, mécanismes centraux de la psychanalyse freudienne, dont je ne débattrai pas ici. Je préfère avec vous questionner ce qui m’anime en tant que créateur artistique, et que j’aime à retrouver dans les rêves : la frontière entre notre imaginaire et notre existence.

Le but de tout art (s’il n’est pas « consommé » comme une marchandise) est de poser la question, pour soi-même ou pour les autres, sur le sens de l’existence. L’une des fonctions indéniables de l’art trouve son origine dans l’idée de la connaissance, où l’impression reçue se manifeste comme un bouleversement, comme une catharsis (2).

L’art, comme la science, est un moyen pour l’homme de maîtriser l’univers, un instrument de connaissance dans son cheminement vers ce que l’on pourrait appeler la « vérité absolue ». Mais là s’arrête le rapprochement entre ces deux formes d’incarnation de l’esprit créateur de l’homme. Avec la science, la connaissance de l’univers évolue d’étape en étape, au fur et à mesure des hypothèses approuvées ou réfutées. L’art, lui, nous fait appréhender le réel à travers une expérience subjective. Certes la connaissance, notamment scientifique, nous permet de sortir de la caverne des croyances immédiates, et de répondre rationnellement, mieux que tout fantasme, mythe ou idéologie. Mais la connaissance ne suffit pas à faire de nous, êtres parlants, des êtres pleinement humains. Apprendre à être humain passe aussi par la création de mondes imaginaires. Dès l’enfance, l’être humain dessine des choses imaginées, frappe en rythme dans ses mains, ou interpelle ses rêves. Mais il arrive que ces trésors cachés que sont les rêves, soient bien protégés par des mécanismes neuro-physiologiques qui ne souhaitent pas livrer l’accès à cette boîte de Pandore chaotique.

Alors, pour y accéder et dégager le sens d’un rêve, il convient de distinguer son contenu manifeste, c’est-à-dire le scénario un peu confus que nous retenons au réveil, et son contenu latent, constitué par les idées et les désirs cachés qui l’ont motivé. Le rêve, parce qu’il permet à tous nos désirs y compris les plus troubles de s’exprimer, est la voie royale menant à l’inconscient, et il est indispensable à notre vie, encore plus que le sommeil profond. Il est plus essentiel pour l’être humain de dormir pour rêver que de dormir pour se reposer.

Depuis la nuit des temps à nos jours en passant par le surréalisme du début du XXè siècle, les rêves ont fait naître des peintures, des musiques, des ouvrages architecturaux, des libertés, et des poèmes. Je vous propose de vous en laisser ci-contre un de mes plus chers écrits par Robert Desnos, à lire ou à écouter mis en musique par mes soins en 2012.

Vous dormiez ? J’en suis forte aise : eh bien ! Rêvez maintenant.

 

 

Pierre-Marie PEM Braye-Weppe, créateur artistique

 

1 Neurologue, fondateur de la sychanalyse
2 Évacuation, purge, liquidation des humeurs malsaines du corps.